Au revoir Là-haut.

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Au revoir Là-haut.

1h57.
FR.
Réalisateur : Albert Dupontel.

SN : 25 Octobre 2o17.
Vu en salle le Mercredi 25 Octobre 2o17.

📖 (Fr.) Pierre Lemaitre, Au revoir là-haut, Paris, Albin Michel, 2o13. 576p.


81+


J’ai tellement attendu ce film (Ma plus grosse attente de l’année ?). J’ai usé, que dis-je, saigné la bande annonce les yeux ronds comme des billes. Et mon récent engouement quant à ce talentueux Nahuel Pérez Biscayart n’a pas arrangé les choses.
Mais plus la sortie approchait, plus j’appréhendais. Entre la malédiction des adaptations quasi toujours pourraves, le succès littéraire, l’énorme emballement critique et le fait que je plaçais probablement la barre trop haut… bonjour l’angoisse.

Ma résolution de ne pas me rendre en salle le premier jour n’a pas fait long feu : Jour J, j’me lève, et je file à la première séance. ZÉRO RIGUEUR.

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Puisqu’il faut bien commencer quelque part, je tiens à revenir sur cette magnifique bande annonce. Elle donne un ton particulier, très dansant, très vivant. Il ne faut pas s’attendre à retrouver cette dynamique dans le film. Enfin, on la retrouvera bien sûr, mais elle ne s’étale pas sur l’intégralité du film, et c’est pas plus mal !

« AU REVOIR LÀ-HAUT » Réalisé par Albert DUPONTEL

Ce qui saute aux yeux, d’emblée, c’est l’image. La qualité, les couleur, et la manière dont elle est travaillée… T’en prends plein les mirettes. Et pour finir de te convaincre, je t’invite à te pencher sur le cadrage et les séquences (efficaces, élégantes, fluides et grandioses).
Les phases du récit s’enchaînent, ou plutôt, elles s’imbriquent parfaitement. T’es embarqué dans un tourbillon incroyable.
Il s’agit d’un film multifacette : tu te marres, t’as mal, tu grognes, tu biches, et que sais-je encore. Impossible de le parquer dans une case. Et là aussi tu peux t’attendre à du casse gueule, à un résultat brouillon, lourd ou maladroit. Mais la construction est intelligente, ça fonctionne, et ça aussi c’est beau.

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Tout le récit s’articule autour d’Édouard, une gueule cassée, son vécu avant (un peu), pendant et (surtout) après les tranchées. Tout part de là. Ses liens, son art, son état et ses défis.
Gravitent autour de lui des personnages qui ne manquent pas de contenance. Mais je tiens vraiment à mettre le doigt sur la figure de l’artiste qu’on trouve en lui. Le mec gribouille jusque dans les tranchées, et lorsqu’il se met à créer ses masques, on assiste à une incroyable quête identitaire. C’est beau, c’est profond, on en redemande.
Et si ce talent à toute épreuve est reconnu de tous, il est pourtant jugé futile par une figure primordiale pour lui : son père. Cette quête est là, tu vois, elle est latente, perso elle m’a prise aux tripes, et je suis en amour avec le personnage.

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Un autre champ important : cette étude des liens. A commencer par l’amitié indéfectible entre Édouard et Albert, son pote de tranchée et soutien de toujours. Parce que clairement, il se plie en douze, il en chie pour lui, même lorsqu’il est ingrat. Une relation inconditionnelle, celle qu’Édouard n’a plus avec sa famille, et dont il peine à mesurer les proportions. L’arrivée de Louise, une couche supplémentaire tu m’diras, vient remettre les choses en question.
Quant à l’humour, il n’est jamais loin.

 

 

Pradelle, personnage clé du récit, ne permet pas seulement d’emmerder tout le monde. Sa constitution et sa crasse introduisent une critique et une satire humaine d’une modernité dingue.
Parce que oui, il y a un propos solide au sein de ce film. Sous ce raffinement, sous cette élégance crisse une vraie laideur, un peu à l’image de ce dandy que nul ne peut aimer.

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Le rôle du masque est aussi, quelque part, une critique sur la véracité humaine. Édouard a quitté son père en lui tirant la langue. Le comportement d’un gosse. Mais ce gosse s’apprête à vivre l’enfer de la guerre, dont il reviendra défiguré, et détruit.
Passée l’errance, il se reconstruit à travers ses masques, pas en tant que lui-même. Il ne tirera plus la langue, ouais, mais surtout il grandit, mûrit, s’endurcit. Cet idéaliste n’était pas forcément prêt, et il se retrouve à pousser de traviole, sous les traits de nombreux visages. Il érige une barrière entre lui et un monde qui le considère mort. Difficile pour son entourage -dorénavant très restreint- de le percer à jour.
Et je ne vais pas me lancer dans une analyse détaillée de chacun de ses masques, malheur y’en aurait pour trois semaines, mais les références sont multiples et profondes. Une catharsis dont on aime voir la genèse.

« AU REVOIR LÀ-HAUT » Réalisé par Albert DUPONTEL

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J’vais la faire courte quant au jeu d’acteur, parce qu’il est énorme, et c’est la carotte sur le cake.
Nahuel Pérez Biscayart (qui m’a déjà bluffée dans 120 Battements par minute cette année) campe le personnage d’Édouard par sa posture, son regard et son silence. Il épouse ce rôle, et offre une parfaite complémentarité à celui joué par Albert Dupontel : Un Albert Maillard touchant, qu’on a envie de prendre dans nos bras maintes et maintes fois.

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Laurent Lafitte (dont je me méfie depuis son rôle dans une production dont le nom ne viendra pas ici dégueulasser mon éloge), joue décidément bien les raclures, et prend son pied à le faire.
Émilie Dequenne et Mélanie Thierry évoluent avec efficacité en toile de fond. Heloïse Balster, débordante d’énergie, sait jouer sur l’agacement. Et Niels Arestrup te touche quand t’as baissé ta garde.

 

 

Au revoir là-haut, c’est de la poésie, du burlesque, et de la magouille. C’est une image et une époque qu’on veut toucher du doigt. C’est un objet sombre et lumineux à la fois, en proie à des échappées baroques qui t’embarquent loin.
Albert Dupontel propose là quelque chose d’inédit, un opus à part et merveilleux. Une réussite et une confirmation.

Et si ici tout est création, tout est aussi métaphore, sujet à interprétation, et tout se prête à la critique. T’es claqué à la sortie de la salle, et c’est pas uniquement dû à la puissance du final.


Le dossier de presse :
http://medias.unifrance.org/medias/209/192/180433/presse/au-revoir-la-haut-dossier-de-presse-francais.pdf


Festival du Film Francophone d’Angoulême 2o17. (Film d’ouverture).
Festival du film français d’Helvétie 2o17. (Sélection « FFFH »).
Festival international du film de Saint-Sébastien 2o17. (Sélection « Compétition officielle » – Prix de l’Asociación de Donantes de Sangre de Gipuzkoa, a la Solidaridad / Elkartasun Saria).


Bergamout
Samedi 11 Novembre 2o17.
Catégorie « Septième Art ».

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