Mise à mort du Cerf sacré.

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Mise à Mort du Cerf sacré.
(The Killing of a Sacred Deer).

2ho1.
Grèce, Royaume-Uni, États-Unis.
Réalisateur : Yórgos Lánthimos.

SN : 1er Novembre 2o17.
Vu en salle le Lundi 6 Novembre 2o17, VOST.


69+


 

Aujourd’hui je vais te parler d’un film tordu, certes, mais un film réussi.
Contrairement à beaucoup, j’ai découvert le boulot de Yórgos Lánthimos avec « Canine » (2oo9), un projet coup de poing mis sur pieds avec très peu de moyen, il m’avait laissé un drôle de goût. Avec le temps j’ai compris qu’il m’avait plus, mais qu’il me dérangeait beaucoup.
Bref, j’aurai l’occasion d’en reparler un jour. Mais Mise à mort du Cerf sacré a bénéficié d’une enveloppe bien plus épaisse, et présente un scénario plus fantastique.

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Avant toute chose, je tiens à parler de ces fucking affiches. Non mais sérieusement, elles envoient !
Le projet retenu est magnifique, avec cet étirement verticale et vertigineux. Mais les recherches alentours sont vraiment réussies elles aussi, et reflètent tout à fait l’esprit du film, de son environnement clinique à sa dimension mystique en passant par cet enjeu humain malaisant.

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Beaucoup de choses m’ont plu. A commencer par là photographie et l’esthétique de manière globale. Très blanche, très lumineuse, mais aussi très grise et froide. On a sans cesse l’impression d’être au beau milieu d’un hôpital baigné de lumière, et ça participe au malaise.

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La dimension clinique est de toutes manières omniprésente. L’intrigue démarre dans un hôpital, monsieur est chirurgien, madame est ophtalmo, et leurs corps se confrontent qu’en mimant l’acte médical. La scène d’ouverture, quant à elle, est ni plus ni moins qu’un focus sur un coeur, au cours d’une opération à coeur ouvert. C’est pas tout, mais ça t’annonce la couleur.

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La dissection est aussi un axe de recherche et un moyen de produire du propos. A commencer par le fait de disséquer cette famille qui, avec ses deux enfants, forment un accord parfaitement parfait. Trop parfait. Pas de vague, de la rigueur, et tout roule droit. En société, ils sont perçus comme la perfection, mais dans les faits, c’est grave tordu. Exemple bête : les parents canalisent leurs enfants alors qu’ils ne sont pas franchement ingérables (j’imagine pas si c’était le cas), mais ne les touchent pas, et agissent avec eux comme s’ils étaient leurs patients.
Inutile de dire que ce qui leur tombe sur le coin du nez va complètement bousiller leur routine et leur stature.

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Sinon, pourquoi ce titre ?
Pour la notion de mise à mort, c’est bon, t’imprimes vite. Mais qu’en est-il de cette histoire de cerf sacré ? Pour faire le lien, il faut fouiller dans tes souvenirs, et plus particulièrement dans tes cours de mythologie grecque.
En effet, c’est un clin d’oeil au mythe d’Iphigénie.
Grosso merdo, le père de cette dernière était dans le collimateur d’Artémis, qui exige le sacrifice d’Iphigénie en guise de réparation. Agamemnon (son père donc) refuse, puis cède : il tend un piège à sa fille, sans vraiment en toucher deux mots à sa femme (elle a jamais digéré d’ailleurs, et le descendra plus tard). L’intéressée capte pas grand chose au départ, puis comprend ce qu’il se trame, et accepte tout bonnement de se sacrifier. Sauf que (TINITINTIN!) notre chère Artémis switche in extremis mademoiselle avec une biche. Elle en fait la prêtresse de son temple, et lui confie la mission de buter tranquillement tous les étrangers qui auraient la mauvaise idée de se balader dans sa région. Sympa le job.

Dans la Mise à mort du Cerf sacré, on retrouve la figure du père qui refuse de sacrifier un membre de sa famille, puis se résigne. On retrouve aussi cette espèce de dévotion à travers les courbettes que fait la mère auprès du gosse maléfique. Elle ira jusqu’à lui baiser les pieds.
Il est à l’origine de tous ces évènements, maîtrise tout, et joue avec eux. Ils sont inférieurs, et ne peuvent que se rendre à l’évidence. Si ce couple de scientifiques ne prie pas religieusement pour le rétablissement de leurs enfants, c’est parce qu’ils ne croient que ce qu’ils voient. Et ici, les preuves leur pètent au nez. Va falloir plier.

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L’emprise est sans bornes, tout comme la puissance et le fait qu’il soit totalement insaisissable.
Ce qui est d’autant plus perturbant, c’est que ce gosse sort de nul part. Son père est décédé au cours d’une intervention passée, menée par le Père. Mais ce fait ne nous est pas annoncé dès le départ, et on se demande ce qu’il se trame entre les deux. Personnellement, j’suis sans doute maboule, mais j’ai tout envisagé. Surtout quand on voit comment le Père est capable de lui accorder tout est n’importe quoi, et combien il le couvre de cadeaux coûteux. Il agit de manière suspecte en mentant à son sujet auprès de ses collègues, puis insiste pour qu’il rencontre sa famille. Le flou relationnel quoi !

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On atteint des sommets lors de la scène de clôture, qui vient boucler la boucle par rapport à la séquence où l’on découvrait l’intru. La famille a perdu un membre, au cours d’un sacrifice à couteaux tirés dont la folie t’as juste ventousé à ton siège, l’autre petit troud’balle se pointe au café, voit cette famille amputée, constate qu’il a gagné, et eux se barrent en silence.
La gamine a visiblement retrouvé l’usage de ses jambes, mais qui te dit que les choses ne vont pas recommencer ?

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Le jeu d’acteur est bon, et juste jusque dans la psychologie. Et il faut dire que la moindre fausse note aurait amoindri le malaise, étant donné que la pression monte petit à petit.

Les métaphores et les possibilités de lectures sont nombreuses et vraiment intéressantes.

Les plans – et leur longueur – sont magnifiques et participent à l’esthétique si précise, à cette dimension baroque, mais il faut aimer ça (Sinon tu vas trépigner maggle !).

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Quant à la musique, très remarquée, elle est de qualité.
Mention spéciale pour cette reprise de Burn d’Ellie Goulding, qui dans sa fébrilité apporte vraiment une grande profondeur aux plans défilant sous nos yeux à cet instant.
Mais j’ai parfois eu du mal avec le volume. A des moments où les morceaux doivent venir t’assommer, clairement elle m’a décapé les tympans. D’autant plus que j’étais sur les premiers sièges.

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Autre petit point négatif, mais c’est mon problème avec la science fiction qui parle :
J’aurais aimé savoir comment les choses s’opèrent. J’aurais voulu mettre le doigt sur la trame, sur le truc. Comment le gamin arrive à provoquer tout celà ? J’ai besoin d’une justification. On dissèque tout dans ce film, mais pour lever le voile là dessus y’a plus personne, et ça m’énerve un peu.

En définitive, Mise à Mort du Cerf sacré est une mise à l’épreuve tordue qui aborde l’immoral et le sacré avec talent. Le résultat est dérangeant, mai réussi. A ne pas laisser entre toutes les mains.


• Festival de Cannes 2o17. (Récompense (ex-aequo) ). Prix du Scénario.
• Festival de Cannes 2o17. (Nomination). Grand Prix.
• Festival de Cannes 2o17. (Nomination). Prix du Jury.
• Festival de Cannes 2o17. (Nomination). Cannes Soundtrack.
• Festival de Cannes 2o17. (Nomination). Prix de la Mise en Scène.
• Festival de Cannes 2o17. (Nomination). Prix Fipresci – Compétition officielle.
• Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg 2o17. (Nomination). Octopus d’or.
• Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg 2o17. (Nomination). Prix du Public.
• Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg 2o17. (Nomination). Méliès d’Argent.
• Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg 2o17. (Nomination). Mention spéciale du Jury.
• Festival les Vendanges du 7e Art 2o17. (Sélection officielle).
• L’étrange Festival 2o17. (Sélection officielle).


Bergamout
Mercredi 29 Novembre 2o17.
Catégorie « Septième Art ».

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